Marie, L’Atelier Du Passage

Est-ce que tu peux te présenter et présenter ta boutique ?

Je m'appelle Marie, je suis céramiste sur Nice et j’ai ouvert ma boutique en octobre dernier. Je fabrique des pièces en grés directement dans mon atelier. J’ai un espace dédié à la création, la production de mes pièces et un espace boutique. J'ai repris l'atelier de Francine Lecoq, qui était céramiste à la Colle-sur-loup, chez qui j'ai appris la céramique et qui m'a transmis le métier. 


Quelle est ta formation ?

J’ai une formation d’ébénisterie donc j'ai un diplôme des métiers d’art et par le biais d’un stage j’ai rencontré Francine et on a sympathisé. Le courant est si bien passé, que j’ai continué à apprendre chez elle après mes études. 


Pourquoi t’être lancée dans l’ébénisterie au départ ? Quel a été ensuite l’élément déclencheur qui t’a fait rester dans la céramique ?

La rencontre avec Francine je pense et la possibilité par la céramique de fabriquer des objets du quotidien que l’on peut facilement réutiliser. C’est aussi un métier plus simple à mettre en oeuvre, plus envisageable sur le long terme. Le travail de l’émail m’intéresse énormément, c’est un côté scientifique que j’aime bien. L’ébénisterie est un bagage qui me sert tout de même aujourd’hui et qui sait, je ferai peut-être des pièces mêlant ces deux métiers !

L’émail, peux-tu expliquer comment cela fonctionne ? Combien de temps faut-il pour maîtriser cet art ?

Les couleurs que je pose sur terre sont des recettes que je fabrique à l'atelier et chaque email a été composé à partir de matières premières et d’oxydes.  Selon les cuissons, les températures et la terre, les résultats sont différents. Je fais des essais jusqu’à trouver la teinte qui me plaise. On va utiliser du kaolin, de la craie, du fer, du titane, du cobalt, du cuivre… C’est cette recherche de couleurs qui m’intéresse.

C'est grâce à Francine que j’ai appris les bases et j’apprends toujours. Elle m’accompagne encore dans mon début d’activité. C’est l’occasion d’échanger, elle m’apprend beaucoup. J’en suis au début, je continue toujours à faire des stages pour me perfectionner et apprendre de nouvelles techniques.

Tu travailles le grés, peux-tu m’expliquer l’intérêt d’utiliser cette matière ? Pourquoi l’as-tu choisie ?

Il y a deux types de cuisson, basse et haute température. Selon ces températures, tu dois choisir la bonne terre, sinon elle fond ! La faïence se travaille en basse température et on peut moins travailler l’émail. Et c’est en montant en température que l’on peut vraiment s’amuser et rentrer dans des subtilités, des cristallisations. Le grés et la porcelaine cuisent principalement à haute température. Les pièces en grés sont plus résistantes, la porcelaine est plus fine, plus dans la transparence. Je ne mélange pas les deux et c’est un travail qui ne m’intéresse pas pour le moment. 

Combien de temps mets-tu pour produire des petites tasses ou des pièces Totem ?

Si je fais des tasses Totem, j’en fais une trentaine en série, soit trois bons jours de travail. Pour les vases Totem j’en fais moins de dix. La fabrication me prend toute la semaine.

Rien que pour le four, je passe une journée entière à nettoyer et poncer toutes les pièces pour enlever toutes les irrégularités de la cuisson. Eviter que le bol soit rugueux. Pour fabriquer une bassine d’émail, je peux mettre une bonne partie de la  journée à peser, tamiser les matières, faire la densité etc. 

L’enfournement peut prendre jusqu’à une journée et une fois les pièces sont cuites, on doit attendre que la température redescende, soit deux, trois jours. Un avantage en hiver mais en été l’inconvénient est que parfois je cuis aussi, il fait bien chaud !

De plus, j’ai des tâches annexes comme tenir la boutique, fabriquer une bassine d’émail, préparer les fours, nettoyer les outils, préparer la terre, publier sur les réseaux sociaux… Tout ce temps qui n’est pas forcément quantifiable mais qui contribue au bon fonctionnement de l’atelier. Et quand on débute on peut mettre un peu plus de temps, c’est normal !



Je vois tes croquis sur la table, racontes-moi ton processus créatif. Quelles sont les étapes ? 

Avant tout, je travaille la terre, s’il y a des bulles dans les pièces il y a un risque de casser la pièce. Si la terre n’est pas assez travaillé, des bulles qui peuvent sortir à la cuisson et faire des défauts.  Et d’autant plus quand on recycle la terre. J’ai une boudineuse qui m’aide et me fait gagner beaucoup de temps et d’énergie !

Ensuite tout dépend de si je fais un travail de tournage ou modelage. Il faut aussi avoir une notion des dimensions, plus rajouter un pourcentage aussi comme les pièces réduisent à la cuisson. Je travaille aussi avec des gabarits, des moules, des patrons. Les moules servent pour les assiettes par exemple pour avoir des collections régulières.



D’où viennent tes inspirations ?

Tout ce qui est vaisselle du quotidien ce sera plutôt des formes classiques révélées par l’émail  afin de donner une note un peu plus poétique à la pièce. Beaucoup de symétrie qui me vient justement de l’ébénisterie, plus rigide, qui est contrebalancée par l’émail plus doux.

Pour les vases et la collection Totem, c’est un mélange entre l’idée que j’ai de l’architecture avec des formes cubiques, géométriques, et les sculptures africaines ou sud-américaines. Pour les pichets, je me suis inspirée des oiseaux et de leur forme élancée.

Aujourd'hui tu as plutôt des clients locaux ou internationaux ? 

Venant de débuter et sans faire de généralités mais j’ai un mélange de clientèle locale qui vient me voir pour acheter des cadeaux lors d’occasions particulières et des étrangers qui ramènent un beau souvenir. Je travaille pour également sur commande pour des particuliers et des professionnels comme des restaurateurs ou des boutiques de décoration. 
J’ai une clientèle scandinave et américaine. Dans la culture nordique, la décoration d’intérieur est importante

Au final en venant chez des artisans comme toi et en se rendant ensuite dans des grandes enseignes, on se dit que le prix n’est pas justifié. Il y a tellement de revendeurs et de marges appliquées.

L’avantage est que je vend en direct, les personnes qui viennent dans ma boutique savent qui se cache derrière. D’avoir l’atelier dans la boutique, ça aide à la compréhension de mon travail.

Ils savent qui est là personne qui en vit derrière. Et c’est important pour moi d’avoir des retours et des échanges , je m’adapte aussi à leur demande pour faire quelques pièces personnalisables. 



Le métier de céramiste est revenu en vogue, comme d’autres métiers. Ce sont des produits en général jugés comme trop chers. Qu’en penses-tu ?

Les choses commencent à changer même si ça reste timide. Il faut que l’on se re-habitue à la vraie valeur des choses. Que l’on prenne conscience du vrai travail d’artisanat. Après l’autre difficulté et surtout quand on débute, est d’avoir un local en ville où travailler et de payer ses charges. Quand on fait de l’artisanat, cela a forcément un prix plus élevé. On ne veut pas mettre un prix trop haut mais un juste prix pour tout payer. C’est ça qui est difficile. J’aimerai avoir plus de gammes, mais je suis déjà contente d’avoir des pièces accessibles à tous. Je fais de 8€ à plus de 200€ selon le modèle.


Bien sûr, la plupart du temps les artisans travaillent seuls et produisent peu. Et on choisit des pièces qui correspondent à notre budget et aussi à la taille de notre chez-nous !

C’est ça, le prix varie mais on doit surtout acheter quelque chose qui nous parle. Personnellement, j’aime prendre une de mes tasses le matin avec mon café. C’est un objet du quotidien qui me plaît, qui me fait bien démarrer la journée. De même pour les bols, les assiettes, avoir de belles pièces rendent moins stériles notre quotidien.


De mon côté pour la restauration, la vaisselle a toute son importance dans l’expérience client. C’est un ensemble, le cadre, le plat, la vaisselle. Tout est une question d’harmonie et de complémentarité.


Comment te fais-tu connaître ?
Le bouche à oreille, le passage du quartier de l’Hôtel des Postes à Nice, les réseaux sociaux et surtout google qui m’apporte la clientèle étrangère. Et puis, le temps va aider aussi ! J’ai beaucoup de demandes pour des cours de céramique mais pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour. Je veux démarcher plus d’hôteliers, restaurateurs dans un premier temps. En plus de la boutique je fais plusieurs marchés - dates et informations plus bas !


Est-ce que tu as des conseils pour ceux qui veulent se lancer dans la céramique ?

Il y a le côté loisir créatif et le côté professionnel où il faut viser une certaine qualité et avoir de la rigueur. Il faut se démarquer et tendre vers un artisanat qui valorise ce métier et ne pas chercher à reproduire ce que l’on trouve dans l’industriel. C’est un travail physique, il ne faut pas avoir peur de faire beaucoup d’heures.

Et par ma formation en métiers d’art, je tends à conserver un savoir-faire et mettre en valeur les métiers artisanaux. Je ne veux pas faire de la céramique pour proposer de la céramique. Je souhaite postuler à l’atelier d’art de France pour certifier le travail que je propose, il y a différents label qui permettent de justifier le travail que l’on propose. Nous avons un métier très complexe, un métier passion, que je suis contente de faire tous les jours ! 


Merci Marie !

L’Atelier Du Passage - 5 Pass. du Temple Vaudois, 06000 Nice

Vous pouvez également retrouver Marie au Marché de Tourettes-sur-loup le 3 septembre 2023 puis le 9 et 10 septembre à celui d’Antibes. 

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